12 novembre 1935
12 novembre 1935
(extrait de l'anthologie publiée dans ce numéro)
Une noire voiture...
Une noire voiture, un peu tiède, à grand bruit,
Hors des faubourgs, les mène au milieu de la nuit.
Chaque décor leur offre une épuisante épreuve:
Ils seront plus heureux au-delà de ce fleuve,
De ces lourdes forêts - et se taisent tous deux
Pour sentir si la joie est plus profonde en eux.
Le pays qui vient semble, au mouvement des roues,
Se diviser sur leurs fronts durs comme des proues.
Ils aiment la nuit froide et leur fuite d'enfant
Vers une Chine absurde aux Rois philosophant.
Les villes ont passé, les forêts et le fleuve;
Leurs doigts se sont disjoints sans que l'un d'eux s'émeuve
Aucune voix, ce soir, nul geste inattendu
Ne veut solliciter leur destin suspendu:
Ils écoutent, longeant la rivière naissante
Le bruit mystérieux de leur course innocente...
Châlet suisse.
La neige au soleil d'août fuit des glaciers brûlés.
Derrière les rideaux de toile immaculés,
Dans une chambre blanche où glisse une cétoine
Je poursuis volontiers quelque rêve de moine
Jetant peureusement mon écritoire au mur
Ou, debout, vacillant près des carreaux d'azur
Je suis le passager furtif d'une galère
Folle, ancrée au milieu des vagues de la terre.
De longs oiseaux volant ont traversé le val.
Partirons-nous? On crie. Il fait chaud. j'entends mal.
Rien ne bouge. A jamais arrêté cet immense
Mouvement de granit, de sable et de feu dense:
L'ombre au cirque rocheux n'a changé nul profil...
Le mont sur soi s'endort et l'araignée au fil.
Mais le soir, du chalet sort un air mécanique
O Ritournelle! étais-je en la boîte à musique?